La révolution digitale est déjà derrière nous et a laissé la place à une révolution industrielle 4.0 plus globale, de nature tout autant technologique que managériale. C’est ma conviction profonde que j’aborde dans mon essaie De l’audace ! aux éditions « Débats Publics ». Ingénieur et physicien de formation, passé par le Commissariat à l’Energie Atomique, j’ai fondé en 1992 la société Soitec, spécialisée dans les semi-conducteurs et pionnière de la révolution 4.0.

Qu’est-ce que la révolution industrielle 4.0 ?

Les sociétés développées ont connu trois grandes mutations technologiques et économiques depuis l’avènement de l’ère industrielle. Le développement de la machine à vapeur et du charbon au début du XIXème siècle a défini la première d’entre elles. La seconde a concerné les domaines de l’énergie (pétrole, électricité) et du transport (trains, voitures, avions). La troisième révolution est celle de l’ordinateur et du digital, dont chacun de nous pouvons saisir l’ampleur et le déploiement aujourd’hui.

Une quatrième révolution est à l’œuvre, bien plus globale que les précédentes dans la mesure où elle concerne tous les secteurs d’activité. Rendue possible par la mobilité et la connectivité croissante des hommes et des objets, par la rapidité du progrès technologique, elle concerne avant tout les modes d’organisation et de fonctionnement au sein des entités entrepreneuriales.

Raison pour laquelle il s’agit d’une révolution inséparablement technologique et managériale. Cette révolution industrielle 4.0 constitue la clé de lecture pour comprendre ce qui distingue les entreprises innovantes des entreprises traditionnelles.

La revanche des créatifs

La révolution 4.0 implique un changement de paradigme complet du côté des entreprises, de nouvelles habitudes, une nouvelle culture managériale. Quatre éléments caractérisent les entreprises innovantes 4.0 :

Premièrement, elles protègent leurs créatifs en développant des espaces dédiés en interne ou bien des structures parallèles de type incubateurs offrant un cadre de travail propice au surgissement de concepts disruptifs. Préservés des frictions avec le reste de l’organisation et jouissant d’une grande indépendance dans leur fonctionnement, les créatifs se voient accorder au sein de ces « couveuses » une grande liberté dans la gestion de leur enveloppe budgétaire. Une entreprise innovante, c’est une entreprise qui a compris que les idées étaient aussi importantes que les modèles économiques.

L’équilibre dans le mouvement

Deuxièmement, les entreprises 4.0 présentent une souplesse de fonctionnement qui les rend capables de se remettre régulièrement en question. En perpétuel mouvement, elles ne se laissent pas cantonner dans leur zone de confort et fuient toutes les routines. «L’entreprise de la rupture est comme en vélo : en équilibre dans le mouvement ». Elle se distingue en cela de l’entreprise traditionnelle, celle des Trente Glorieuses, comparée par l’auteur au marcheur qui peut à tout moment s’arrêter sans s’effondrer.

Savoir saisir les virages technologiques

Troisièmement, une entreprise innovante a pour caractéristique de ne passer à côté d’aucuns virages technologiques. L’entreprise 4.0 doit exploiter toutes les innovations afin de concevoir des produits inattendus et surprenants. Cette méthode dite du tech push est celle adoptée par un groupe comme Apple. Les entreprises innovantes ne cherchent pas à répondre à une demande existante, que l’on aurait mesurée au moyen d’études de marché, mais créent des produits qui suscitent leur propre demande. L’offre crée la demande, et pas l’inverse.

Cela suppose beaucoup de conviction de la part des équipes en interne, mais s’avère indispensable dans un contexte de raccourcissement des cycles d’innovation. « Mieux vaut créer le produit qui tuera le vôtre que laisser une autre entreprise le faire ».

Une nouvelle conception du management

Enfin, quatrièmement, les entreprises innovantes se distinguent des autres par l’attention particulière portée aux conditions de travail. Fini le management hiérarchique fondé sur le contrôle rigide des employés, le management du futur se veut transversal et horizontal afin de favoriser le développement des idées et la prise d’initiative.

Cette forme de management participatif et collaboratif est mise en pratique de manière exemplaire par une entreprise comme Google. Certains auteurs vont assez loin et suggèrent que le succès de la firme de Mountain View reposerait moins sur ses choix technologiques que sur un modèle de management novateur. Quoiqu’il en soit, l’innovation technologique doit s’accompagner d’une innovation managériale.

Cette nouvelle culture d’entreprise, caractéristique de la révolution industrielle 4.0, est partie des Etats-Unis mais s’impose de plus en plus en France et en Europe. La capacité d’intégrer ou non les acquis de cette révolution déterminera sans aucun doute les succès économique de l’avenir.